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ONE SHOT, la rage congolaise



Dans un mélange subtil de ragga et de rock, assemblant guitare, basse, mais aussi instruments traditionnels et créés à base de récup’, One Shot déballe sa rage dans des rythmes et des beats sortis tout droit de l’underground de Kinshasa. Le tout, relevé par des textes qui ne ratent pas. Dans les pas de son maître Bebson de la rue, et sur la voie mystique d'Abumba Masikini, il sort son premier titre Ndambo Ngambo interrogeant la notion de partage dans un clip haut en couleurs. Souvent accompagné de ses frères de la même "école Bebson", One Shot ne passe pas inaperçu dans les rues de Kinshasa, casquette à l’envers, avec ou sans lunettes, mais toujours une guitare avec lui. Rencontre avec One Shot qui répond aux questions de Zala.


One Shot, Kinshasa 2022




Ndambo Ngambo est le titre de la chanson que tu viens de sortir, on sait qu’elle parle de partage, peux-tu nous en dire plus sur ce titre ?

Cette chanson fait diverses références. Ma façon de chanter avec des proverbes de chez nous, qu’on appelle masese en lingala, rappelle mes ancêtres Mongos, c’était à travers les proverbes qu’on transmettait l’éducation, ils sont donc un moyen de partage imagé qu’on peut tous comprendre et qui font grandir en même temps. Le sujet de la chanson est celui de la transparence. Je parle d’esprit d’équipe, de partage et d’entraide avec les gens. C’est nécessaire pour construire une culture africaine meilleure basée sur des idées solides. Quand il y a un grand qui passe, il y a un petit qui remplace, ma chanson porte ce défi à relever pour l’avenir proche. Dans mon langage de tous les jours, j’utilise souvent des termes yankees* alors je les utilise aussi dans mes textes. Ici c’est le ghetto, que tu sois du quartier 30 juin là où je vis, de Ngwabka là où je travaille souvent ma musique, les yankees occupent une place importante, et ce sont aussi mes frères alors je place ce langage dans mes textes. C’est une manière de les motiver dans des textes qui apportent des conseils avec leurs termes à eux. Ce que je trouve intéressant, c’est que ce sont des mots codés, comme ceux de nos anciens, des proverbes contemporains du ghetto, tu vois ! Ces termes ont un sens alors j’aime bien les valoriser, et c’est important aussi que ces personnes se retrouvent dans mes chansons.


Avec les potes du quartier, Lingwala, Kinshasa, 2022

Qu’est-ce qui t’a poussé à écrire cette chanson?

Ce qui m’a poussé à écrire cette chanson, c’est ma grand-mère et mon grand-père, c’est comme un testament qu’ils m’ont laissé quand ils me disaient que même à quatre, on peut partager un fruit ! C’est un espoir qu’ils m’ont laissé en tant qu’aîné, celui de partager avec les autres. Cette idée me revient souvent en rêve, alors je sais que je ne dois pas oublier de partager. Ce sont eux qui m’ont laissé cette notion, je me devais d’écrire cette chanson.


Ta musique est exceptionnelle ici à Kin, elle est hors norme, hors mode. Qui a bossé avec toi sur ce titre et sur ton clip et où avez-vous enregistré ?

Pour arriver à ce level, j’ai fait appel à mes frères Boms, Love et Dido des Kokoko, pour le likembe, la guitare de recherche et des instru’ de percussion et puis Jino des Kin’gongolo pour la basse. On est tous de la même école, celle de Bebson de la rue. On se connait depuis longtemps, c’est la famille tu vois ! Chacun évolue dans son style mais on est tous là les uns pour les autres. C’est important pour moi qu’ils apparaissent dans le clip, c’est ma manière de partager aussi et de les remercier. On ne démarre pas sans être reconnaissant envers les nôtres et sans l’approbation des anciens. C’est un code de conduite à respecter. Il y a aussi d’autres personnes qui sont dans le clip et qui comptent pour moi, Bebson de la rue, Bobo Flash, Dagger, Kalach’, Peter, Les Noirs, Kingaman, Kirikou, Mille Baguettes et ses frères, Tshuangi, Ellie, les petits de Maluku, de Mbudi, de Lingwala, de Ngwabka, de Ma Campagne, Papa Eddyno Nzila et ma mère aussi (sourire). Ils sont tous à Kinshasa, avec leur énergie et ça fait du bien de les voir réunis. Le clip a été réalisé par Bongo Fleuve avec les images de Koko Kabamba, les ndekos* eux aussi. On voulait montrer Kinshasa et ses différents quartiers dans lesquels on évolue, mais de manière brute sans retouche, montrer la population, simple, authentique et douce aussi. On est fiers de ce qu’on est, même si c’est le ghetto, tu vois ! On a enregistré au Studio Timbela Ba Timbela yo, avec notre frère Levy. Alors même si chacun de nous a sa propre route, on est connecté d’une manière ou d’une autre par le son, le chant, la vidéo. C’est notre force. One love (rire) !


Image tirée du clip Ndambo ngambo


Dans ta chanson et dans ton clip, tu fais un clin d’oeil à la Jamaïque, n’est-ce pas?

Oui, je ne peux pas oublier d’où vient le ragga. Jamiaka comme ils disent là-bas. Wha’s up Jamiaka, awa Kinshasa faya, oyoki melo pe ? Ce qui veut dire Quoi de neuf Jamaica, ici Kinshasa brûle, tu entends la mélodie aussi ? C’est une invitation à se réunir, on est loin géographiquement, mais on a le même sang qui coule dans nos veines, nous sommes frères, ils sont les descendants de notre continent, et un certain nombre d’entre eux ont leurs ancêtres nés au sein même de notre Royaume Kongo. C’est ça le panafricanisme, c’est réunir nos énergies. One love toujours ! (rire)


One Shot et Bobo Flash, Kinshasa 2022



Le ragga c’est toi One Shot, d’ou te vient cette connexion avec le ragga?

C’est le beat qui m’emporte dans le ragga. À 15 ans, j’ai bien senti que ce beat vibrait en moi, j’essayais de me trouver dans la musique, je cherchais déjà un style qui me caractérisait, c’est comme ça, que ça a commencé. Je kiffais Sean Paul, Ninja Man, Capleton, Shaggy, Elephant Man ! Puis, j’ai rencontré Bobo Flash lors de freestyle qu’on organisait, on avait 17 ans tu vois ! C’est à cet âge que j’ai vraiment commencé le ragga, je peux dire que c’est Bobo qui m’a donné la motivation. Si je parle de lui, c’est parce qu’il a été un frère à m’encourager vraiment. Et puis à force de travail, mon timbre de voix est passé de R&B à Ragga. Bobo m’invitait à faire des shows dans différents lieux de Kin, il avait déjà un réseau avec le clan de Reggaemen de Kinshasa, j’en profitais pour voir mes erreurs et je me disais que le lendemain j’allais bosser pendant 6 heures pour m’améliorer ! C’est lui qui m’a ramené dans des clans des Nigérians, des Guinéens, des Gambiens de la ville, avant que l’afrobeat ne se fasse entendre à Kin. On écoutait et on s’inspirait de Wizkid Nigeria, 2face, Patoranking, Timaya. C’est Bobo qui m’a ramené chez Bebson de la rue, notre légende. Ça a été un tournant dans ma vie. Bebson c’est le kingo’ragga de Kinshasa, c’est-à-dire, la voix roque de Kin. Il m’a pris comme son enfant. Même après toutes ces années, je pars toujours chez lui pour bosser. C’est lui le boss du raggamuffin à Kinshasa. T’en à pas deux comme lui ! Kota okola, ça veut dire « entre et grandis », ça c’est notre règlement de l’école BBS (rire), restons focus au travail pour que ça projette, c’est ça le défi.



One Shot et Bebson de la rue, image tirée du documentaire "Ba Kingo'ragga"



Ragga mais pas que… Ton côté rock nous rappelle celui d'Abumba Masikini, alors comment définis-tu ta musique ?

Oui, même si je ne l'ai pas connu puisqu'il est parti l'année de ma naissance, je peux dire qu'Abumba était mystique, respect à lui pour sa musique ! Mais tu vois, la nouvelle génération arrive et on est connecté à notre façon. Alors pour évoquer ma musique, on pourrait peut-être dire du ragga-rocka (rire) ! Le ragga comme je t’ai dit, je ne fais qu’un avec lui, c’est en moi. Quand je commence à chanter, c’est du ragga, et puis je ferme les yeux, ça ouvre mes pensées et mon esprit part, j’arrive jusqu’aux ancêtres, là où ils vivent au calme. Ça me pousse à chanter plus fort pour qu’ils m’entendent et qu’ils sachent que je suis là en connexion avec eux. Et quand j’ouvre mes yeux, j’ai de nouvelles énergies et ça devient plus brutal, un côté rock apparaît dans la voix et la mélodie. C’est comme ça que ça devient du ragga-rocka (rire). Et ça sort en lingala, en lomongo, en anglais, en français. Je ne peux pas dire que je suis dans UN style, mais je dirais que c’est la connexion entre les différentes manières que j’ai de ressentir la musique qui fait MON style et pour moi, ragga et rock ça fait bam, ça rate pas ! (rire) J'ai de la chance de bosser avec deux guitaristes qui ne ratent pas eux aussi, Jino Bass et Bob Jazz et avec un super batteur aussi, Steroy, c'est eux qui apportent le feeling rock à mes musiques.



Tu es Mongo, on sait la place primordiale de la musique et du chant chez les Mongo. Est-ce que cet héritage culturel t’inspire dans ton travail ?

Je suis de la province de l'Equateur mais aussi de Kinshasa, j’ai grandi auprès de mes grands-parents ici à Kin, qui sont des villageois, et pour moi villageois c’est vive la joie (rire) ! Chez les Mongo, oui, la percussion a un rôle dominant dans le quotidien, elle sert pour les naissances, les réunions, les fêtes, rassembler au milieu du village etc. Elle est codée également dans des rythmes et des sonorités différents. Je ne peux pas perdre cet héritage. Alors inévitablement, ces beats, ces rythmes que je mets dans mes musiques rappellent d’où je viens.


Image tirée du clip Ndambo ngambo

Ndambo ngambo annonce un album. Peux-tu nous en dire plus sur celui-ci ?

Le titre de l’album est Tétanos pour rappeler le travail de recherche qui est inspiré de Bebson de la rue, celui de recycler le métal, l’aluminium, le fer pour en fabriquer des instruments. Dans l’album, parmi les instruments classique tels que guitare, batterie, basse, j’utilise aussi des objets sonores comme des boites de conserve, des bouteilles, des casseroles. Dans cet album, j’évoque différents thèmes qui me touchent et pour moi, c'est important de les décortiquer comme l’ingratitude, la folie, le partage. J’aime réfléchir sur des états, des actes qui nous entourent, qui nous influencent, qui font ce que nous sommes, et on ne peut pas faire tout et n’importe quoi. Je n’aime pas parler pour ne rien dire c’est pourquoi mes chansons portent souvent un message pour tous. Bien sûr, j’ai aussi des chansons plus cool comme Soleil par exemple. 


Comment évolues-tu en tant que raggaman à Kinshasa dans un contexte musical du pays marqué par d’autres vibes que le ragga ?

Le ragga ne s’étudie pas à l’Institut National des Arts. C’est un style dans lequel un esprit est libre. Alors faut s’adapter. Il y a des lieux privés où tu peux chanter avec d’autres qui sont connectés dans le reggae ou ragga. De nos jours, la jeunesse kinoise et même congolaise s’ouvre plus à ces deux styles de musique. On partage autant avec les anciens tels que Jah Koko, Audax Mundele, Jah Poba, Kassim Lafraz que les jeunes comme Kingaman.


One Shot, Kinshasa 2022



Pour te connaître, je sais que tu pars souvent à la campagne loin du tumulte de la ville. Que se passe-t-il là-bas ?

Oui, j’ai besoin d’être au calme pour être inspiré. Je pars à Mbudi ou à Lutendele, je ne vois personne, je sens la connexion avec mes ancêtres, je vois le fleuve, les paysages, les oiseaux… je m’isole pour être concentré, pour travailler sur un objectif précis, que ce soit pour développer mes thèmes, mes textes ou mes mélodies. Je peux partir plusieurs jours pour créer, mais il faut que ce soit dans la nature, j’ai besoin de m’inspirer dans le calme même si je ramène des mélodies et des bouts de textes commencés dans le tumulte de la ville comme tu dis.


Quels sont tes projets à venir?

Depuis Octobre, je bosse avec Zala qui produit la chanson et le clip Ndambo Ngambo. Ensemble, on bosse également sur un reportage qu’on a déjà commencé, Koko Kabamba est aussi de la partie. C’est intéressant de parcourir le reggae et le ragga à Kinshasa tout en sachant d’où il vient, la Jamaique. Ce sont des descendants de l’Afrique qui ont fini par créer le rock steady, le reggae, le ragga. On veut faire ressortir cet aspect de l’histoire, notre histoire commune. Tu comprends pourquoi je sens cette connexion au fond de moi ? En Jamaïque et en Afrique, on est connectés (rire) … Il y a aussi l’enregistrement du prochain titre et puis des scènes à venir aussi j’espère, en Afrique d’abord. C’est ici que ça doit commencer, sur la terre des ancêtres.

*yankees :bandes des quartiers

* ndekos : frères


Entretien avec One Shot

Texte et entretien - Laetitia Bouzouita

photos 1, 4, 7 - Koko Kabemba & Bongo fleuve

photos 2, 3, 5, 6, 8 - Laetitia Bouzouita




Bientôt disponible, l'intégralité des rencontres avec One Shot

dans le livret de la collection Lukasa qui lui est dédié.





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