
HUGUETTE TOLINGA
DANS L'OEIL DU CYCLONE
A l’instar de Kasiva Mutua et de Salimata Diabaté, Huguette Tolinga fait partie des grands noms féminins de la percussion en Afrique.
Elle affiche avec brio un savoir ancestral propre à la RDC, tout en mettant en avant un état d’esprit unique : armée du courage des femmes congolaises et de celles de tout un continent, Huguette revendique sa liberté d’être elle-même, à contre-sens des principes qui pèsent pour l’émancipation des femmes du pays.
Bonne écoute et bonne lecture.
Femme parmi les hommes : un véritable défi
Rares sont les peuples du continent à délivrer le rôle de percussionniste aux femmes. Selon la tradition des Mongos, peuple de l'ancienne province de l’Equateur où Huguette a vu le jour, le percussionniste est homme et c’est à lui que revient la responsabilité d’appeler, d’informer, de participer à des cérémonies initiatiques, festives etc, via ses instruments de percussion ou autres. La modernité étant, plusieurs maestros du pays font valoir cet art de frapper le tambour dans des styles de musique diversifiés. Parmi eux, et chacun avec et ses propres inspirations, Paul Ngoy, Zulu Mbonda, Eddy Mboyo, Jimmy Musenzo font résonner et vibrer tout le pays.
Huguette, convaincue, s’est appropriée cet art ancestral depuis une dizaine d’années et s’impose dans ce monde musical des percussions réservées aux hommes, elle marque un véritable tournant dans le devenir de la musique en RDC et dans l’image du pays qu’elle véhicule. Mais Huguette est femme et les épreuves pour se faire une place sont rudes. « Un des objectifs dont on se passerait bien, parce qu’on a d’autres choses à faire, est de faire comprendre aux artistes qu’ils doivent te voir avant tout comme percussionniste et non pas comme femme, que le rapport homme-femme doit s’effacer pour laisser place au milieu professionnel, ce n’est pas parce que je suis une femme que je dois être inférieure ou que je dois payer de ma personne pour y arriver. Non. Je suis artiste, mon travail et la sensibilité que je mets ont autant de valeur que le travail et la sensibilité d’un homme ».
"Être une femme-artiste en RDC, c’est transmettre la valeur de ce que tu sais faire !"
Huguette devient un exemple pour les artistes congolaises car elle montre que c’est possible.
« Etre une femme-artiste, c’est transmettre la valeur de ce que tu sais faire ! L’art est une expérience forte qui demande beaucoup de soi, non seulement parce que tu es une femme mais aussi parce que tu es au Congo, tu dois acquérir une bonne expérience. Tu n’as pas forcément de salaire régulier, mais tu gardes l’espoir, en tant que femme, il faut avoir l’habitude de travailler, c’est comme ça que tu finis par gagner un salaire, tu gagnes des relations grâce à des projets qui te font avancer, tu te dois de faire des recherches même au delà des frontières. Il faut que les femmes laissent tomber ce complexe noir-blanc, il faut croire en soi et porter ses fruits plus loin. Je suis contente car avec le temps, j’ai instauré une nouveauté et j’ai apporté un plus dans le monde artistique du pays, aujourd’hui, des danseuses et chanteuses s’essaient à la percussion. Je cherche à créer un esprit, je ne savais pas avant mais je sais maintenant ce que je suis, je suis dans mon élan, et je n’ai pas envie de stopper cela ».
